Le genre de la « fantasy » affiche de nombreux points communs avec le conte ou la légende. Au sein de ce roman aux inspirations nettement visibles et des codes repris, le lecteur trouvera les ingrédients classiques qui lui permettront de trouver satisfaction, s’il est adepte de l’imaginaire. Les éditeurs « Lys Bleu » ont la particularité d’avoir un catalogue très éclectique, varié, pouvant donner une chance à tous les écrivains de voir leur livre enfin consacré. Julia Brandon est auteure de nouvelles. En l’an 2021, elle a décidé de ressusciter ce projet, qu’elle avait gardé de côté. Un manuscrit désormais dépoussiéré, qui recèle de nombreux secrets, retournements de situations et personnages qui incarnent leurs idéaux, qu’ils soient bons, mauvais ou ambigus. Le livre se découpe en plusieurs chapitres et parties, correspondant à des époques et des « dimensions » différentes. Si vous êtes un grand fan des voyages dans le temps, vous allez adorer l’intrigue principale des Passagers. Certes, la recette existe déjà, mais l’auteure décide ici de vous emmener dans un véritable labyrinthe, où chaque détail compte. De plus, certains éléments sont traités en surface, peut-être est-ce une volonté d’induire le lecteur en erreur ? Entre enquête et conte pour enfants, la frontière éclate grâce à des points inattendus comme des scènes violentes et graphiques, ainsi que de l’érotisme.
L’histoire des Passagers se concentre avant tout sur deux personnages, qui vont nouer une amitié pour le moins extraordinaire. Ces deux individus sont des hommes : d’un côté, le jeune Félix, un adolescent, de l’autre, Gustave, l’oncle-professeur mystérieux, qui a l’air de dissimuler un secret, puisqu’il semble à la fois triste et nerveux.
Tandis que la sœur jumelle, Caméo, semble vraiment peu sensible à l’Au-Delà et aux évènements étranges dans la vallée de Pallia, le garçon est plus que réceptif ! Il peut geler l’eau et a même goûté à une friandise magique… Séraphine la mère et Hostie le père souhaitent que tout se déroule au mieux pour cet enfant à l’imagination débordante. Mais Félix, très précoce et intelligent pour son âge, aurait-il réellement tout inventé ? Et si l’ogre qu’il avait aperçu dans la forêt était bien un habitant de ces lieux ? De plus, il lui semble avoir vu de ses propres yeux son enseignant cherchant à se procurer des confiseries ensorcelées. Devenu l’ombre de lui-même, le pauvre homme cherche désespérément à ramener sa petite fille, Nejma à la vie. L’incident s’est déroulé dans d’étranges circonstances. Aux abords des bois où il s’épanouissait avec sa défunte femme Mathilde, Gustave a fait la sombre découverte — vingt ans auparavant — du corps inanimé de la gamine, dans la rivière.
Pour revivre cet épisode tragique et traumatisant, le professeur se fait du mal. Mais il a en tête un plan bien défini – même s’il semble totalement fou. Avec le bonbon rebrousse-temps, Gustave en est certain, il pourra redonner la vie à son enfant mort à l’âge de cinq ans. Dans la foulée, il espère que ce sauvetage épargnera sa bien-aimée, qui s’est suicidée, dévastée par la perte de leur unique descendance. Le solitaire Gustave et Félix, le gamin différent, vont mutuellement s’avouer qu’ils sont dotés de pouvoirs inexpliqués… Jusqu’à ce que Monsieur lui prouve que tout ce monde spécial est bien réel ! Tandis que le jeune ado se découvre, le sorcier le prend sous son aile. Serait-ce là un moyen de combler la perte de sa famille ?
Avec de nombreux changements de point de vue, l’écrivaine cherche à maintenir un véritable mystère, tout en dosant ses révélations qui valent le détour. Au cœur de ce divertissement où l’on assiste à des dîners entre mages, ainsi que des scènes romantiques, lisses et parfaites, l’auteure traite également de questions plus profondes en laissant des messages humanistes et communs à toutes et à tous. Par exemple, le rejet du père Hostie n’est pas sans rappeler le climat familial parfois désastreux dans lequel évoluent certains gamins jugés « différents ». Puisque cette particularité fait peur et renvoie à l’inconnu, elle est aussitôt écartée. Cela donne lieu à des tensions, à une époque charnière comme l’adolescence où tout prend forme.
Ce double récit initiatique traite de l’enfance grâce à l’iconographie et aux références très liées aux jeunes années et aux bambins. Par exemple, le roman utilise le sujet de la confiserie magique. Un œil adulte pourrait aussi voir un genre de métaphore de la drogue et les méfaits de l’addiction, même si cette interprétation est tout à fait théorique. D’ailleurs, le thème et l’absence de limites du progrès se complètent ici. L’alchimie, la manipulation psychique, la notion de l’âme semblent appartenir au registre fantastique ou aux croyances. Pourtant, la démarche scientifique est celle de la recherche. Et si ces points renvoyaient aux questions philosophiques les plus fondamentales de notre temps : l’abus d’enfants, l’empathie, la conscience, le processus de deuil ?
Au cours de cette lecture riche en émotions et très dense, le lecteur ou la lectrice ne s’ennuiera pas une seule seconde ! Il se destine avant tout à un public adolescent, qui souhaite se plonger dans un roman divertissant et fort.
Le site de l’auteur : https://julia-brandon.fr/